Indy, la rencontre

Indy au bord de l'eau

C’était il y a quatre mois. C’était le quinze juillet. Rendez-vous était fixé. J’allais prendre livraison d’Indy.

Il est de coutume de trouver un nom pour son destrier de voyage quand on entre dans la vanlife. Certains l’appellent Léon, Michel, swinguy et d’autres simplement camion. En aparté, cela vous permet de retrouver les vanlifers que j’ai commencés à suivre sur youtube, ceux qui m’ont inspiré depuis un an que je cogite ce projet, donné des tuyaux pour préparer ce périple, guidé dans ce changement de vie. J’y reviendrai.

Le jour J pour Indy

Indy voit les coteaux du lac de Saint-Vidian

Il est dix heures, sonnantes et trébuchantes. J’ai cru que ce moment ne viendrait jamais. Un mois et demi après la signature du bon de commande pour Indy. Un mois et demi qui fut plus long que l’année passée à peaufiner mon mode de vie alternatif.

Tout ne fut pas simple pendant cette attente… Et tout ne le sera pas dans le futur, je le sais !

Quinze jours auparavant, Gilles le directeur de la concession, me laisse un message : « Monsieur Martin, il faudrait que l’on se voie à propos de votre véhicule ». J’écoute à peine la fin de la sentence, je le rappelle aussitôt… Oui, oui, il y avait une petite boule dans le ventre. Celle qui te noue l’estomac, celle qui te fait dire « putain, c’était trop beau ». Et puis, l’expérience de la méditation, les lectures sur l’intelligence émotionnelle te font relativiser aussitôt.

Tout en composant le numéro, je respire et ma petite voix m’interpelle : pourquoi t’inquiètes-tu ? Au pire, la livraison sera retardée mais tu le sais, Indy, c’est le bon choix.

J’avais passé des heures à regarder les camping-cars d’occasion ; autant pour découvrir ce qui me plaisait qu’afin de passer le temps par procuration en m’imaginant déjà dedans. Alors, le jour où le budget avait garni mon compte, je savais que je reconnaîtrais mon coup de cœur d’un seul œil.

En ce début du mois de juin, j’avais décidé que le vendredi serait free. Je monte dans ce kangoo bleu ciel que je m’apprête à céder et qui aura été ma première expérience vanlife… Une nuit à dormir dedans avec ma maman, il y a quelques années ! Je m’arrête à la première concession, en contrebas, direction Roques-sur-garonne.

Question de budget…

Je me rends vite compte que mon pécule est limité pour acheter chez un concessionnaire. Dans le même temps, j’hésite à passer en direct avec un particulier. Avoir foi en l’autre fait partie de ma philosophie mais je n’ai pas confiance en ma capacité à affronter les premières pannes… les bricoles… les coupures de chauffage, le « piezzo » dysfonctionnant, les fuites potentielles (je t’en reparlerai) ! Alors, trois mois de garantie, ça rassure.

Stéphane me présente un premier camping-car, à vrai dire le seul dans mes cordes, car l’autre qui vient d’être rentré dépasse mes appointements !

Fonctionnel, compact, profilé… Oui, pourquoi pas ce challenger 102 facile à garer sur une place de parking mais le cœur ne vibre guère.

« Stéphane, je vais réfléchir, je voudrais en voir d’autres ». Pas de souci me répond mon vendeur, prenez votre temps. Je tourne dans Muret ; je revisite les sites d’occasion ; je regarde une vidéo de Cyril et Hedi, les concessionnaires youtubers…

Je dois me rendre à l’évidence, je pense qu’il va falloir mettre mille cinq cents euros de plus et prendre sur l’enveloppe « accessoires ». Depuis que j’ai vu les tutos des « péripléties » et de « voyages voyages », c’est décidé je veux l’installation gaz GPL (pour ne pas avoir à manipuler les bouteilles et faire le plein quand je le souhaite), des panneaux solaires (pour une autonomie la plus complète possible) et une caméra de recul si mon compagnon de voyage n’en a pas, pour regarder derrière et éviter de heurter un quelconque obstacle (Cela aussi, je t’en reparlerai).

Bref, il va falloir dépenser plus.

L'eau ruisselle pour la première nuit

Je récupère mon fiston au métro toulousain. « Doudou, ça te dérange si on fait un crochet par la concession ».

Nous retournons donc à Muret (j’aurais beaucoup voyagé ce jour-là ! ). Nous nous approchons de Stéphane. « Vous m’avez parlé d’un camping-car ce matin que vous veniez de rentrer et qui était hors budget, je voudrais le visiter ».

C’est là que j’ai vu Indy, un rapido 890 F avec capucine de 2001, surnommé le randonneur. 77 000 kilomètres. Autant dire comme neuf malgré sa peinture écaillée par endroits.

Je sens l’étincelle s’allumer.

Nous pénétrons ma future maison mobile. La configuration est atypique. Salle de bains à l’arrière, lits superposés dans la longueur, un espace cuisine qui sert de hall d’entrée, un salon avec deux dînettes… L’une pour me restaurer, l’autre pour travailler.

Je me projette.

Indy, le randonneur

Je reste immobile au milieu de la cellule. Ressentir l’atmosphère, les ondes. Je regarde mon fils. « Ça le fait me dit-il, mieux que l’autre ». Mes yeux balayent l’intérieur. Je ne procède à aucun des contrôles que je m’étais assuré de faire. Moi l’instinctif qui s’était promis un minimum de rationalité pour cet achat. Eh oui, encore une fois, c’est le cœur qui va parler. Et fort, très fort même ! Je suis convaincu, c’est celui-là, c’est Indy… malgré son pare-chocs qui mériterait un bon coup de peinture !

On verra ça plus tard, on va dire que ça fait roots !

Nous retournons discuter avec Stéphane, obtenons un petit rabais de 1 000 €.

« Ok, je te tiens au courant ».

Un « vous » le matin, un « tu » l’après-midi. Je me crois revenu dans la médina de Fez. Bien que non, là-bas, c’est « tu » le matin, « tu » l’après-midi !

Le tenir au courant, tu parles. Mon choix était déjà fait. À peine réveillé le lendemain matin que j’assaille son répondeur. « C’est bon, je le prends »

En ce quinze juillet, je réceptionne donc d’Indy. Non sans quelques péripéties de dernière minute. Le piquet du store cassé, les pneus fatigués que l’on me change l’après-midi même… Des petits ennuis de voyageur dont la liste n’est pas encore exhaustive.

Il y en aura d’autres mais quand même, je rigole intérieurement en revoyant le concessionnaire me dire « on fait quatre-vingts points de contrôle avant de vous remettre les clefs ».

Tant pis pour les petits soucis, je savoure. Indy vrombit comme un camion. J’adore sa position haute de conduite. Premier rond-point, je prends garde au porte-à-faux arrière, comme si j’avais un trente-huit tonnes dans les mains. Je m’élance sur l’A64.

Les premiers tours de roue

J’ai l’impression d’être dans un bateau et pas simplement du fait de l’intérieur bois et métal cuivré d’Indy. La prise au vent se révèle importante. La cellule tangue. Rien de pire que ces petits camions hayon qui te double en faisant un énorme appel d’air. Je me crispe sur le volant. J’ai le sentiment d’une grande vitesse alors que j’atteins péniblement quatre-vingt-dix kilomètres heures.

Définitivement, l’autoroute ne sera pas un moment de plaisir. Définitivement, c’est génial d’avoir sa maison sur le dos tout le temps ; malgré le stress que cela occasionne…

Je gare Indy sur le tour de ville de Martres-Tolosane. Maintenant, il faut finir le déménagement. J’ai quelques jours avant l’état des lieux, avant d’être sans domicile fixe… Les enfants viennent me donner la main pour le coup de nettoyage. Il ne reste plus grand-chose à l’intérieur du 2A rue du couvent.

Je n’ai pas voulu de filet de sécurité alors j’ai vendu, donné la plupart de mes affaires. Pas de retour en arrière ! Il y a longtemps que je travaille sur ce détachement matériel alors ce n’est pas trop dur. Excepté pour ma bibliothèque ! Un pincement au cœur trop grand alors j’ai tranché. Je garde la moitié de mes livres (environ 300 ! ) que je stockerai dans mon petit bureau de 15 m2 à Carbonne. Pour le reste, aucun remords. Une vie plus minimaliste, plus connectée à la nature demande de faire des choix et j’en suis heureux.

Il est vingt heures. La maison presque totalement vidée. J’ai pris quelques affaires, le strict minimum pour la toilette. J’ai commandé une pizza ; trop tard et fatigué pour me faire à manger, d’autant que le frigo est vide lui aussi.

C’est parti pour la vanlife…

Indy au bord de l'eau

À deux kilomètres de mon ancienne maison ! Une première grande étape ! L’étang de Saint-vidian.

Pas d’autres mots « bordel, je kiffe ». L’émotion me submerge en repensant à tous les moments au cours de cette année où j’ai rêvé cet instant.

Indy est droit, garé en marche arrière au bord de l’eau. Je m’ouvre une bouteille. L’imo pectore. Si tu as lu L’instant mantra, tu sais le lien particulier que j’ai avec ce vin, découvert grâce à mon pote lolo. Je m’installe sur la table de pique-nique. J’observe la vie sous-marine dont on entend les bruits en surface. J’envoie quelques photos aux proches. Je sens les gens heureux pour moi.

T’ai-je dit que « j’ai kiffé » ce moment ?

Aller, pipi les dents, un bouquin et au lit…

Tout est calme mais je suis en alerte. Je me sens comme un animal au milieu de la jungle… vulnérable ! Je sais que 80 % de nos peurs sont irrationnelles. Je sais que je vais m’habituer… Pourtant, je cède à chaque pulsion de danger en « zieutant » par la baie de la capucine, chaque bruit de moteur approchant. C’est l’été alors les jeunes sont en vacances et c’est un endroit parfait pour festoyer.

Les yeux dans le ciel

Onze heures… minuit, je ne dors pas, bercé entre appréhension et sentiment d’accomplissement… Je médite. Le mental se calme. Ce genre de peur, c’est craindre une chose qui n’existe pas encore, une probabilité (très faible) de danger dans le futur. À l’instant présent, je suis bien et bon sang que mon lit est confortable. Je m’endors et file d’une traite dans mes rêves jusqu’au petit matin… jusqu’à ce chant des oiseaux qui égaye mon lever. C’est cela ma vie maintenant. La nature qui s’éveille et me réveille.

C’est cela que je partagerai avec toi au travers de ces chroniques. Mes joies, mes petites galères, l’avancée de mon prochain roman… Bienvenue à toi sur les chroniques de l’auteur nomade.

19 commentaires sur “Indy, la rencontre”

    1. Et après lorsque l’on prend l’habitude, l’enjeu est de continuer de faire attention aux bruits qui nous entourent… plus pour des peurs mais pour contempler la vie.

    1. Il y aura au moins une chronique par semaine. Un peu plus sur les trois semaines qui viennent pour partager les premiers pas dans la vanlife et puis il faut bien vous distraire pendant ce confinement 😉

    1. Oui franchinette, la première chronique était sur la rencontre avec Indy mais le but va être de partager les lieux que je traverse… merci pour le commentaire

  1. Ca a l’air sympa cette vie d’escargot! Certains en parlent, beaucoup en rêvent, très peu osent… Je suis admirative. Continue à nous faire partager tes aventures et cette nouvelle vie pleine de promesses.

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